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05 Jan

Leçon sur les ÉCHANGES

 - Catégories :  #Leçon, #TST2S

Concerne la TST2S

Bonjour,

voilà la leçon sur les ÉCHANGES ; vous en souhaitant une bonne lecture. Pensez à l'inclure dans votre cahier...

LES ÉCHANGES

                        À partir de la notion d’échange-s – au singulier comme au pluriel –, peuvent être posées de nombreuses questions, tant le terme est plurivoque, comme, par exemple : L’homme est-il le seul à échanger ?  ou Les échanges sont-ils toujours utiles ? et Pour quelle raison les hommes échangent-ils ? ou Les hommes échangent-t-ils que ce dont ils ont besoin ? et bien d’autres sûrement encore. Car, le mot échange revêt à lui seul une polysémie et la somme de différentes actions et selon qu’il caractérise : une transaction commerciale, un service, un don, un troc, ou des échanges de bons procédés dans le cadre d’une collaboration, des échanges de propos, plus ou moins positifs d’ailleurs, ou des signes de sociabilité, de civilité, et des gestes de cordialité, d’amitié et d’amour, mais aussi de façon disons moins visible des échanges thermiques ou gazeux, etc. tant en effet sont nombreuses les différentes modalités des échanges entre les hommes. Ainsi, s’agira-t-il, dès l’abord, de s’interroger sur la ou les raisons qui poussent les hommes à échanger entre-eux ? Puis, sur leurs limites...

 

  • Pourquoi échangeons-nous ? Or donc, les échanges seraient-ils à l’origine de l’humanité et le propre de l’homme ? Autrement dit, le fait d’échanger est-il exclusif à l’homme ? Est-ce à dire que, dans la nature, les non-humains, les animaux ne pratiqueraient pas l’échange ? Et qui de nourriture, qui de logis et d’abris, qui encore de services divers et variés comme, pour seuls exemples ici, celui de se protéger mutuellement des rudes hivers japonais de Kagawa où l’on peut observer les singes macaques qui s’agglutinent pour échanger leur chaleur corporelle, ou le couple d’hirondelles de nos campagnes qui échangent leur place à tour de rôle pour garder le nid ? Mais si certaines espèces semblent-avoir des attitudes pouvant suggérer l’idée d’échange, pour éviter tout risque d’anthropomorphisme, autant considérer ces comportements comme des signes instinctifs plus que rationnels. Ceci dit, les hommes, quant à eux ont-ils toujours échangés et pourquoi ? De la cause aux effets, dans quels desseins ?

 

  • Avec Platon[1] tout d’abord et l’origine des cités grecques : Or, selon moi, la cité se forme parce que chacun d'entre-nous se trouve dans la situation de ne pas se suffire à lui-même, mais au contraire de manquer de beaucoup de choses. (...) Dès lors, un homme recourt à un autre pour un besoin particulier, puis à un autre en fonction de tel autre besoin, et parce qu'ils manquent d'une multitude de choses, les hommes se rassemblent nombreux au sein d'une même fondation, s'associant pour s'entraider (...) Mais quand un homme procède à un échange avec un autre, qu'il donne ou qu'il reçoive, c'est toujours à la pensée que cela est mieux pour lui ? (...) Faut-il que chacun d'eux offre le service de son propre travail, le mettant en commun à la disposition de tous les autres, par exemple que le laboureur procure à lui seul les vivres pour quatre et multiplie par quatre le temps et l'effort pour fournir le blé et le partager avec les autres, ou encore, sans se soucier d'eux, qu'il produise pour ses seuls besoins seulement le quart de ce blé, en un quart de temps, et qu'il consacre les trois quarts restants, l'un à la préparation d'une maison, l'autre au vêtement, l'autre à des chaussures (...) ? Le résultat est que des biens seront produits en plus grande quantité, qu'ils seront de meilleure qualité et produits plus facilement, si chacun ne s'occupe que d'une chose selon ses dispositions naturelles et au moment opportun, et qu'il lui soit loisible de ne pas s'occuper des travaux des autres.

 

  • Or, avec Aristote[2] pour qui Ce qu’on échange, ce sont des biens, c’est-à-dire des choses utiles. (...) il faut que l’échange soit juste, tandis que les circonstances ne le sont pas : le besoin pressant d’une maison conduirait un cordonnier à donner pour l’acquérir un nombre exagéré de chaussures. Comment donc faire pour que les échanges soient justes, c’est-à-dire pour que soient égaux les biens échangés ? Il faut L’étalon ou la référence universelle, nous dit-il, qui mesure la valeur d’un objet ou d’un service en appelant la réciprocité des échanges, l’équité dans l’appréciation juste ce quelque soit l’objet échangé ; la monnaie succède à l’étalon, dont la véritable nature est d’être une marchandise promue au rang d’unité de mesure, et donc celle de donner une valeur commune aux biens échangés.

           

            Alors, pourquoi les hommes échangent-ils, et à quelles fins ? De la cause aux effets, du besoin à l’intérêt des échanges, alors qu’il cherche ce qui unit les hommes, pour Montesquieu (1689-1755) le commerce apporte la paix, parce que partout, dit-il, où il y a des mœurs douces, il y a du commerce[3]. Mais pour Marx (1818-1883), il faut changer les hommes parce que l’ouvrier devient d’autant plus pauvre qu’il produit plus de richesse, en outre, du fait de la concentration des moyens de production. Ainsi faut-il s’en remettre à Adam Smith (1723-1790) pour qui Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts[4] ? Alors, quand l’égoïsme de l’homme pourrait prendre le pas sur son altruisme, dans sa parabole des porcs-épics[5], Schopenhauer (1788-1860) prône, dans une juste distance, politesse et bonnes manières. Enfin, partant des analyses de l’anthropologie et du don, les échanges ne sont pas exclusivement économiques car, en donnant avec générosité, l’homme se reconnaît aussi comme la partie d’un tout humain. L’homme éprouve son humanité par les rapports qu’il entretient avec autrui, au travers d’échanges symboliques, par la philia[6]. Concluons avec Aristote : nous avons besoin des autres...

 

[1] La République, Livre II, 369b-370c.                                                                                              

[2] Éthique à Nicomaque, Livre V, chapitre V.

[3] Au Livre XX, chapitres 1-2 De l’esprit des lois.                      

[4] Car, pour lui, dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, les hommes peuvent atteindre le bien général même égoïstement.

[5] Au paragraphe 396 de sa thèse Parerga et Paralipomena.

[6] C’est-à-dire, en grec, l’amitié réciproque et, au delà, la vie en société ; Pour Aristote, dans l’Éthique à Nicomaque, la philia s’accompagne de vertu.

Leçon sur les ÉCHANGES

SOCRATE. "- Or, selon moi, la cité se forme parce que chacun d'entre nous se trouve dans la situation de ne pas se suffire à lui-même, mais au contraire de manquer de beaucoup de choses. Y a-t-il, d'après toi, une autre cause à la fondation de la cité ?

 

ADIMANTE. - Aucune.

 

SOCRATE. - Dès lors, un homme recourt à un autre pour un besoin particulier, puis à un autre en fonction de tel autre besoin, et parce qu'ils manquent d'une multitude de choses, les hommes se rassemblent nombreux au sein d'une même fondation, s'associant pour s'entraider. C'est bien à cette société que nous avons donné le nom de cité, n'est-ce pas ?

 

ADIMANTE. - Exactement.

 

SOCRATE. - Mais quand un homme procède à un échange avec un autre, qu'il donne ou qu'il reçoive, c'est toujours à la pensée que cela est mieux pour lui ? (...) Eh bien, allons, dis-je, construisons en paroles notre cité, en commençant par ses débuts et ce sont nos besoins, semble-t-il, qui en constitueront le fondement. (...) Mais le premier et le plus important des besoins est de se procurer de la nourriture, pour assurer la subsistance et la vie. (...) Le deuxième est celui du logement; le troisième, celui du vêtement et des choses de ce genre.

 

ADIMANTE. - C'est bien cela.

 

SOCRATE. - Mais voyons, repris-je, comment la cité suffira-t-elle à pourvoir à de tels besoins ? Y a-t-il un autre moyen qu'en faisant de l'un un laboureur, de l'autre un maçon, de l'autre un tisserand ? Ajouterons-nous également un cordonnier ou quelque autre artisan pour s'occuper des soins du corps ?

 

ADIMANTE. - Certainement.

 

SOCRATE. - La cité réduite aux nécessités les plus élémentaires serait donc formée de quatre ou cinq hommes.

ADIMANTE. - Il semble bien.

 

SOCRATE. - Mais alors ? Faut-il que chacun d'eux offre le service de son propre travail, le mettant en commun à la disposition de tous les autres, par exemple que le laboureur procure à lui seul les vivres pour quatre et multiplie par quatre le temps et l'effort pour fournir le blé et le partager avec les autres, ou encore, sans se soucier d'eux, qu'il produise pour ses seuls besoins seulement le quart de ce blé, en un quart de temps, et qu'il consacre les trois quarts restants, l'un à la préparation d'une maison, l'autre au vêtement, l'autre à des chaussures, et qu'au lieu de chercher à mettre en commun les choses qu'il possède, il exerce sa propre activité par lui-même et pour lui seul ?"

Et Adimante répondit : "Sans doute, Socrate, serait-il plus facile de faire ce que tu as dit d'abord. (...)

SOCRATE. - Le résultat est que des biens seront produits en plus grande quantité, qu'ils seront de meilleure qualité et produits plus facilement, si chacun ne s'occupe que d'une chose selon ses dispositions naturelles et au moment opportun, et qu'il lui soit loisible de ne pas s'occuper des travaux des autres.

                                                                                                                

                                                                    PLATON, La République, Livre II, 369b-370c.

 

 

Informations :

 

  • Nous l’avons déjà vu, la cité, dont est tiré le mot politique (polis, en grec), est donc l’organisation politique des citoyens (du latin, civis, citoyens, et donc civitas, l’ensemble des citoyens formant la cité), et l’organisation sociale des hommes qui y vivent en communauté, en général. Son extension, de nos jours, est celle de la ville, de taille plus ou moins importante ; et les États regroupent alors différentes cités (villes) qu’ils organisent, ou gouvernent du fait de la centralisation politique desdites cités.
  • La cause, de causa, en latin, la raison, s’oppose à la fin, en ce qu’elle est à l’origine, est antécédente, aux fondements de quelque chose qui produit son effet (voire un fait, un phénomène) ; quand la fin, elle, est le but (rejoint alors la cause finale d’Aristote), du latin, finis, le but, le terme ou la limite, c’est-à-dire, par opposition au début, au commencement, mais aussi au moyen, la fin est l’objectif à atteindre, le but d’une action, sans être pour autant intentionnelle (voir Kant, pour qui l’homme ne peut jamais être un moyen, mais le règne des fins).  
  • Les quatre causes d’Aristote : matérielle (de quoi c’est fait, sa matière), formelle (à quoi ça ressemble, sa forme), efficiente ou motrice (comment c’est fait, l’action pour faire), et finale (en vue de quoi c’est fait, son but, sa finalité).
  • Imaginairement, Socrate, qui n’a lui-même jamais rien écrit est, comme souvent dans les textes platoniciens,  est l’un des principaux intervenants des dialogues de Platon ; Adimante, ici l’interlocuteur de Socrate, est un homme sincère et de bonne volonté, qui se trouve être l’un des deux frères de Platon.
  • Une société de subsistance, est une société où seule est considérée l’économie qui satisfait les besoins fondamentaux de ses membres ; alors que la société à économie spéculative, elle, cherche à accroître les surplus produits (voir, Smith et Ricardo).
Leçon sur les ÉCHANGES

         Les hommes ont un penchant qui les porte à trafiquer, à faire des trocs et des échanges d'une chose pour une autre. Il est commun à tous les hommes, et on ne l'aperçoit dans aucune autre espèce d'animaux, pour lesquels ce genre de contrat est aussi inconnu que tous les autres. On n'a jamais vu de chien faire de propos délibéré l'échange d'un os avec un autre chien. On n'a jamais vu d'animal chercher à faire entendre à un autre par sa voix ou ses gestes : Ceci est à moi, cela est à toi; je te donnerai l'un pour l'autre. (...) Mais l'homme a presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c'est en vain qu'il l'attendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s'il s'adresse à leur intérêt personnel et s'il leur persuade que leur propre avantage leur commande de faire ce qu'il souhaite d'eux. C'est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque; le sens de sa proposition est ceci : Donnez-moi ce dont j'ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-même; et la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont nécessaires s'obtiennent de cette façon. Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme; et ce n'est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage.

                  SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776).

Leçon sur les ÉCHANGES
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À propos

Enseignement de la philosophie des TS1 et TST2S de M. Xavier Moreau au Lycée F. Mitterrand à Moissac