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23 Jan

Leçon sur La JUSTICE, le Droit et la Loi (POLITIQUE et MORALE)

 - Catégories :  #Leçon, #TS1, #TST2S

Leçon sur La JUSTICE, le Droit et la Loi (POLITIQUE et MORALE)

Concerne la TS1 et la TST2S

La
JUSTICE, le Droit et la Loi (POLITIQUE et MORALE)

Le terme politique, du grec polis, qui signifie cité ou État, prend sa source dans les cités grecques où s’organise la vie autour des citoyens qui la composent. C’est là que naît un idéal démocratique – du grec demos, peuple et kratos ou kratein, pouvoir – l'État et gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple[1]. L’idée philosophique du terme revêt alors deux aspects (théorique et pratique) selon lesquels la politique entretient des rapports étroits entre ce qui ressort de la condition humaine et de l’instinct grégaire (qui viendrait de sa nature, la physis en grec) et de la praxis, c’est-à-dire à l’action, l’activité des hommes (devant s’organiser pour coexister). Mais si l’homme est alors poussé à s’unir (en société), il doit aussi restreindre l’indépendance de chacun s’il veut pouvoir garantir la liberté de tous. Ainsi, parce que l’homme serait sujet à ses passions et à sa « naturelle violence », à l’hubris, la démesure en grec, la communauté urbaine a besoin d’une autorité, d’un État, d’une République (chose publique en latin)... Ceci dit, pour quelle raison l’homme a-t-il cette tendance ambiguë, cette volonté de vivre avec les siens tout en cherchant, toujours, à en tirer bénéfice ? Se pose alors la question politique (loi légale du droit civil) et la question morale (loi légitime du droit naturel) en vue de définir ce qui est juste et ce qui est injuste et ainsi, en lien avec la justice (dikê, en grec) et le droit, mais aussi les lois (nomos, en grec ou lex, en latin) qui en découlent : en quoi la notion morale, ou politique, de « justice » introduit-elle un ordre dans la communauté morale, ou politique ?

                                                                                                                       

  • Tout d’abord, avec Platon pour qui c’est l’impuissance de commettre l’injustice qui donne son prix[2], la justice consiste à ne détenir que les biens qui nous appartiennent en propre et à n’exercer que notre propre fonction[3] ; en d’autres termes, ne pas empiéter sur les libres activités et les biens d’autrui. Mais, si la liberté c’est aussi l’absence de toute contrainte, et donc le fait de pouvoir agir en faisant ce que l’on veut et non ce que veut un autre que soi, pour autant, est-ce n’obéir à aucune loi ? Ainsi, parlant de la justice et de ses principes de base[4], Aristote dit que : justice et injustice sont des états qui inclinent à agir d’une certaine façon. L’homme devrait-il agir alors selon une certaine règle et les actions humaines suivre certaines modalités ? Pour le philosophe du lycée, en effet, l’homme injuste est celui qui se montre cupide et inéquitable et donc l’homme qui est avide soit de jouir soit de posséder quelque chose tout en ne respectant pas ce qui est dû à chacun. Or, ayant eu connaissance par Platon[5] de ce qui advint à Socrate, Aristote affirme que : celui qui transgresse la loi est injuste et celui qui la respecte est juste[6] (...) et tout ce qui est légal est d’une certaine façon juste. Qu’en effet, les prescriptions définies par le législatif sont légales et chacune d’elle est juste ; qu’en outre est juste ce qui assure le bonheur des citoyens et Aristote de rajouter en suivant que les lois visent l’intérêt commun de tous ou plus généralement vise le profit de la communauté des citoyens ; enfin, de terminer par le rôle des juges en disant qu’il consiste à discerner ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Mais voilà, si l’homme est un être moral, pour autant est-il juste d’affirmer comme Platon, dans le Gorgias, que Nul n’est méchant volontairement, autrement dit, peut-on dire de l’homme qu’il commet l’injustice seulement par l’ignorance du bien ?  La justice ne serait alors qu’affaire d’éducation...

 

  • Ceci dit, pourquoi Rousseau dit-il que L’homme est né libre et partout il est dans les fers[7] ? et selon la métaphore du mythe de Gygès, nous savons que l’homme peut, selon les circonstances, agir dans l’intempérance et commettre l’injustice s’il en a la possibilité... Ainsi, parce qu’il est donc partagé entre ses passions (corps) et sa rationalité (l’âme), l’homme aurait besoin de trouver l’équilibre lui permettant d’accéder, réellement et durablement à sa liberté. Mais, en matière d’anthropologie, deux visions s’opposent entre Rousseau[8] et Hobbes[9] et, quand le premier est convaincu que lhomme est naturellement bon, le second, lui affirme qu’il est un loup pour l’homme... Il faut alors, dit Locke : que les droits naturels et imprescriptibles de l’homme soient respectés[10]. Et c’est en creux pour cette raison que Kant prononce la maxime : Agis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours comme une fin, et jamais simplement comme un moyen[11]. Ce dernier exprime en effet le postulat des Lumières, selon lequel l’essentiel reposerait sur le respect de la personne humaine, comme impératif catégorique de sa liberté individuelle. Ainsi, parce que l’homme n’est pas une chose, il aurait à la fois le droit et le devoir d’être libre et de le rester ; et tout agissement devrait procéder dudit impératif catégorique : l’humanité comme fin en soi. Pour le philosophe de Königsberg, avant ou concomitamment au fait qu’il soit un être social, l’homme est un animal qui, lorsqu’il vit parmi d’autres individus de son espèce, a besoin d’un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l’égard de ses semblables ; et même s’il souhaite, en tant que créature raisonnable, une loi qui mette des bornes à la liberté de tous, son inclinaison animale et égoïste le conduit cependant à s’en excepter lui-même lorsqu’il peut. Il a donc besoin d’un maître qui brise sa volonté particulière et le force à obéir à une volonté universellement valable afin que chacun puisse être libre.[12]

   

Il est difficile de parler de Justice ou de droit sans convoquer, à un moment ou un autre, les notions de politique et de morale. Aujourd’hui encore, à nos portes, il existe des esclaves et c’est pourquoi il s’agit, sans cesse et sans répit, de considérer la maxime de Hugo selon laquelle : La liberté c’est le droit, l’égalité c’est le fait, la fraternité c’est le devoir...

 

[1] Pour rappeler ici le discours de Gettysburg d’Abraham Lincoln, du 19 novembre 1863 (célébration de la guerre de Sécession).

[2] Au Livre II de La République, 359a, trad. R. Bacou, p109.

[3] Ibidem, Livre IV, 433d, p.186.

[4] Au Livre V de Éthique à Nicomaque, Œuvres complètes, tra. Pierre Pellegrin, Préliminaires, p. 2073.

[5] dans l’Apologie éponyme qui a été l’objet de notre précédente analyse (cf. DM2).

[6] Éthique à Nicomaque, p. 2075.

[7] Par cet incipit, Rousseau in Du contrat social, Livre I, chapitre I, 1762, exprime en creux ce qui sera repris dans la DDHC de 1789.

[8] Rousseau in Du contrat social,  pour qui l’homme doit transformer sa force en droit et l’obéissance en devoir.

[9] Hobbes in Léviathan, pour qui l’état de nature est la guerre de tous contre tous, il faut un pouvoir commun qui les tienne tous en respect.

[10] À savoir, dans le Second traité du gouvernement civil : la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.

[11] E. Kant in Fondements de la métaphysique des mœurs, trad. V. Delbos, Deuxième section, p.150.

[12] E. Kant in Idées d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, Sixième proposition.

"La formule républicaine a su admirablement ce qu'elle disait et ce qu'elle faisait; la gradation est irréprochable. Liberté, Égalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont là les trois marches du perron suprême. La liberté, c'est le droit, l'égalité, c'est le fait, la fraternité, c'est le devoir. Tout l'homme est là... Les heureux doivent avoir pour malheur les malheureux; l'égoïsme social est un commencement de sépulcre; voulons nous vivre, mêlons nos coeurs, et soyons l'immense genre humain... Tout ce qui souffre accuse, tout ce qui pleure dans l'individu saigne dans la société, personne n'est tout seul, toutes les fibres vivantes travaillent ensemble et se confondent, les petits doivent être sacrés aux grands, et c'est du droit de tous les faibles que se compose le devoir de tous les forts. J'ai dit." Victor Hugo, le droit et la loi. 1875
"La formule républicaine a su admirablement ce qu'elle disait et ce qu'elle faisait; la gradation est irréprochable. Liberté, Égalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont là les trois marches du perron suprême. La liberté, c'est le droit, l'égalité, c'est le fait, la fraternité, c'est le devoir. Tout l'homme est là... Les heureux doivent avoir pour malheur les malheureux; l'égoïsme social est un commencement de sépulcre; voulons nous vivre, mêlons nos coeurs, et soyons l'immense genre humain... Tout ce qui souffre accuse, tout ce qui pleure dans l'individu saigne dans la société, personne n'est tout seul, toutes les fibres vivantes travaillent ensemble et se confondent, les petits doivent être sacrés aux grands, et c'est du droit de tous les faibles que se compose le devoir de tous les forts. J'ai dit." Victor Hugo, le droit et la loi. 1875

"La formule républicaine a su admirablement ce qu'elle disait et ce qu'elle faisait; la gradation est irréprochable. Liberté, Égalité, Fraternité. Rien à ajouter, rien à retrancher. Ce sont là les trois marches du perron suprême. La liberté, c'est le droit, l'égalité, c'est le fait, la fraternité, c'est le devoir. Tout l'homme est là... Les heureux doivent avoir pour malheur les malheureux; l'égoïsme social est un commencement de sépulcre; voulons nous vivre, mêlons nos coeurs, et soyons l'immense genre humain... Tout ce qui souffre accuse, tout ce qui pleure dans l'individu saigne dans la société, personne n'est tout seul, toutes les fibres vivantes travaillent ensemble et se confondent, les petits doivent être sacrés aux grands, et c'est du droit de tous les faibles que se compose le devoir de tous les forts. J'ai dit." Victor Hugo, le droit et la loi. 1875

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À propos

Enseignement de la philosophie des TS1 et TST2S de M. Xavier Moreau au Lycée F. Mitterrand à Moissac